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Ce n’est pas de la jasette

13 février 2023
PHOTO DOMINIC LECLERC, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE
Une consultation publique sur la Fonderie Horne, à Rouyn-Noranda

En politique, le chemin emprunté a parfois des retombées plus importantes que l’atteinte de la destination elle-même.

Exemple facile. Une ville peut, seule et rapidement, construire un superbe parc.

Par contre, si elle prend le temps de consulter les citoyens sur les accès à pied et à vélo, sur les modules de jeux à y installer, sur les futurs aménagements paysagers, sur le nom du parc… les citoyens auront un parc qui leur ressemble et qui répond mieux à leurs besoins. Ils en seront fiers, ils l’utiliseront, l’entretiendront et le protégeront des vandales.

La ville n’aura pas seulement construit un parc, elle aura également mobilisé une communauté et consolidé son sentiment d’appartenance.

Mercredi dernier, 101 organisations québécoises demandaient au ministre Fitzgibbon d’élargir les consultations prévues sur l’avenir énergétique du Québec.

Ni monsieur Legault, ni monsieur Fitzgibbon ne sont très friands des grandes consultations. L’élaboration d’une politique énergétique québécoise ambitieuse est une des occasions où ils devraient passer outre leur désamour pour ce genre d’exercice.

En effet, le mandat donné par le premier ministre est ambitieux : que le Québec devienne le premier État carboneutre en Amérique du Nord1. Rien de moins. Le ministre responsable aura besoin de l’aide de tous les Québécois.

Une consultation traditionnelle accoucherait certainement d’une liste d’épicerie détaillée, mais pas d’une vision nationale aux priorités claires et elle n’entraînera certainement pas de réelle mobilisation nationale. Si le Québec veut réussir un vrai virage environnemental, les deux seront nécessaires.

Les choix que nous devrons faire quant à notre avenir énergétique ne concernent pas seulement les projets hydroélectriques, mais également nos habitudes de consommation, nos moyens de déplacement, l’efficacité et l’approvisionnement énergétique des bâtiments, l’exploitation des minerais notamment pour l’électrification des transports, la gestion du territoire, la protection des milieux humides, des cours d’eau, des terres agricoles… et la cohabitation avec les communautés touchées par nos choix collectifs, en particulier les Autochtones. Il y aura des levées de boucliers, de la mobilisation contre certains choix, du « oui mais ça », du « oui mais moi », etc.

Devant une telle complexité, pour arriver à des résultats rapides, le gouvernement aura besoin d’alliés. Le processus choisi devra donc régler un certain nombre de questions, faire tomber quelques obstacles, établir les constats communs, commencer à faire accepter les mesures les moins populaires et, plus important encore, permettre la constitution d’alliances sur certains sujets. Passer trop vite sur la réflexion collective en compromettra la mise en œuvre.

Si je me fie à ce que de nombreux groupes proposent, le processus idéal commencerait par des états généraux, donc une tournée du Québec pour faire le point sur les enjeux qui préoccupent les Québécois.

Le gouvernement transformerait le rapport de consultation en livre blanc, c’est-à-dire l’exposé de ses intentions. Ce livre blanc ferait ensuite l’objet d’un BAPE générique, c’est-à-dire une consultation de la population doublée d’avis scientifiques sur les actions envisagées. C’est trop long ? Le gouvernement n’a qu’à en déterminer les échéances… et rien ne l’empêcherait de commencer à agir en cours de route, selon les premiers consensus qui émergeront.

Des exercices comme ceux-là servent à raffermir les liens entre nous, à nous éloigner des positions de principes pour nous rapprocher de solutions concrètes et ainsi trouver des compromis. On est loin de la jasette, ce type d’exercice construit l’avenir.

En 1977, pour s’attaquer au grave problème de relations de travail conflictuelles qui affligeait le Québec, René Lévesque a organisé le sommet de Pointe-au-Pic. Pour la première fois, patrons, syndicats, politiciens et société civile dialoguaient directement. Un certain modèle de concertation était né.

En 1996, deux sommets ont permis de dégager un consensus sur l’importance d’atteindre le déficit zéro et sur le rythme à maintenir pour y arriver, mais également sur la nécessité de la mise en place des CPE, du prélèvement automatique des pensions alimentaires, de la mise en œuvre de l’équité salariale et du lancement du chantier de l’économie sociale. Le modèle québécois de concertation, unique en Amérique du Nord, a donné de nombreux fruits. Le gouvernement devrait s’inspirer de l’expérience acquise.

Le Québec ne deviendra pas facilement le premier État carboneutre en Amérique du Nord.

Ce sera dur. Il faudra prendre des décisions collectives courageuses. Un ministre, même un super ministre, n’y arrivera pas seul : nous aurons besoin des efforts de tout le monde. D’où l’importance du processus.

Un vaste exercice de consultation et de participation, associé à un sérieux recours à la science, pourrait favoriser l’adhésion de la population et générer de l’enthousiasme. Il pourrait surtout donner l’élan nécessaire à la mise en œuvre d’une politique énergétique ambitieuse qui ressemblerait peut-être, comme monsieur Legault le souhaite, à un véritable projet de société.

Lisez l’article « Hydro-Québec : Québec tiendra une consultation sur l’avenir énergétique »